Dans la « Carte de tendre » de l’âge classique, seule l’« Inclination » menait à la « Mer dangereuse » de l’accomplissement érotique, tandis que les autres chemins se perdaient dans les douces civilités de l’Estime et de la Reconnaissance. Dans la nouvelle « Carte de tendre » contemporaine, au contraire, le lien sexuel est premier et les méandres des parcours ultérieurs sont souvent ceux des désillusions amères.Beaucoup se plaignent de cette primauté de l’érotique, qui n’annule pourtant pas l’attachement amoureux, dépendance primordiale aux sentiments d’autrui explorée sous toutes les coutures par la littérature et le cinéma, mais aussi par les neurosciences et la psychologie de l’évolution. Il se pourrait même que la liberté et l’égalité sexuelles, en élevant le niveau d’exigences sur les liens amoureux destinés à durer, favorisent l’émergence d’une nouvelle éthique de l’intime grâce aux vertus du soin érotique mutuel. Telle est la thèse faussement paradoxale de ce livre de sociologie morale, qui fait suite à une série d’études sur les dépendances aux drogues et autres pratiques psychoactives, dont la sexualité et l’attachement amoureux sont constitutifs.

Patrick Pharo, chercheur en sociologie morale, a été directeur de recherche au CNRS et directeur du centre de recherche « Sens, éthique, société ». Il est l’auteur notamment de Ethica Erotica. Mariage et prostitution (2013), Plaisirs et dépendances dans les sociétés marchandes (2012), Morale et sociologie (2004).