Un homme jeune encore ouvre la boîte enregistreuse de sa mémoire pour en tirer un à un, sans pitié à l’égard de lui-même ou du lecteur, les clichés-souvenirs qui ont façonné sa personnalité à partir de l’âge de trois ans. Il les ajuste bout à bout en négligeant tout ordre apparent, un quelconque mouvement concerté dans la chronologie, sans autre parti pris que celui de projeter sous une lumière plus vive les mille tableaux du «contact» de sa vie que le temps peu à peu a fixés sur lui. Ainsi voit-on se construire un effroyable enfer immobile au fond duquel le père battait la mère à mort, cassait les meubles et la vaisselle en menaçant la jeune femme de la faire enfermer à l’asile. Et l’enfant éperdu de peur s’endormait en serrant contre lui une poupée qu’il appelle «sa femme blonde» et son petit camion vert pour se protéger de l’affreux monde des adultes. La découverte de l’amour avec un petit camarade d’école, la douceur de Marie-Louise la bonne n’ont fait qu’atténuer à peine le supplice de l’enfant, revécu par l’homme fait.