La tempête des gazelles

L'Ile-Fourmi, sur la mer Egée, était un îlot paradisiaque mais désert, depuis que la population grecque en avait été chassée après la Première Guerre mondiale. Peu à peu, de nouveaux arrivants débarquent, groupes bigarrés venus de tous les coins de l'ancien Empire ottoman. Tous ces migrants portent en eux le goût pour l'aventure, mais aussi des traumatismes et des cauchemars. Chacun d'eux tente de recréer une patrie sur ce morceau de terre, tandis que des millions de fugitifs errent encore à travers l'Anatolie. Le roman s'ouvre sur l'arrivée d'un visiteur inconnu, un homme à la recherche de Poyraz Musa, le jeune officier ottoman qui avait été le premier à s'installer sur l'île, et qui semble vouloir le tuer. Au fil du texte, de nouveaux et nombreux personnages apparaissent (Vassili et Léna, le couple grec ; Musa Kazim, le Turc de Crète ; Dengbej Uso, le barde kurde, et bien entendu Poyraz Musa), qui finissent par donner l'impression d'une arche de Noé de l'humanité rescapée des guerres. Grecs, Turcs, Kurdes, Arméniens, chrétiens, alévis, musulmans, athées apprendront à se connaître, et formeront peu à peu, dans un irrépressible besoin de fraternité, une sorte de communauté de conjurés amenés à subir de dures épreuves. La limpidité du récit et la beauté sereine des dialogues soulignent une fois de plus la profondeur de l'univers du très grand écrivain turc, en même temps que le regard pénétrant qu'il porte sur l'histoire du XXe siècle et le coeur des êtres humains. La tempête des gazelles, second volet de la trilogie Une histoire d'île, marque chez Yachar Kemal ce grand retour au classicisme qui régnait déjà dans le premier volet, Regarde donc l'Euphrate charrier le sang. Les deux volumes peuvent se lire indépendamment.