Le vaurien

Bernard est un garçon doux, honnête et sincère, qui n’a point de vocation à voler son prochain, ni à vivre aux crochets d’une dame un peu mûre. Ce qu’il en fait n’est que par un scrupule d’affection : brouillé avec son père, il se prend d’une tendresse filiale pour un homme bon, affectueux, et qui, à l’usage, se révèle un gredin. Tandi que son père d’élection est sous les verrous, Bernard, pour le mettre à l’aise, s’applique à devenir une crapule. Ce parti pris, d’une abnégation et d’une discrétion si parfaites, si touchantes, n’est d’ailleurs que le couronnement d’une aventure abondante. À propos d’un pommier, Bernard quitte son père, qu’il aura, plus tard, la douleur de voir réussir dans une entreprise importante. Il se lie d’amitié, se délie, trouve un second père, couche avec une fille pour lui apprendre à être honnête… Toujours sans enthousiasme ni égoïsme, il entre en relation avec un revenant, soigne un malade et l’assassine sans y penser. Tous les événements qui dirigent sa vie sont des accidents. Il ne choisit guère. C’est un garçon bousculé, qui rate sa vie à chaque instant, car il est né pour accomplir l’existence merveilleuse des paralytiques incurables, qui est une belle ligne droite jusqu’à la chute. Notons avec satisfaction que l’histoire du Vaurien est d’une haute moralité. On y voit un fils désobéissant tomber dans les plus funestes erreurs.